Les défis personnels du prophète Muhammad ﷺ : de l'orphelin à l'envoyé d'Allah ﷻ

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Bien avant que la révélation divine ne descende sur lui, le Prophète Muhammad ﷺ avait déjà une trajectoire de vie exceptionnelle. Orphelin très jeune, élevé dans un environnement tribal difficile, il s'est distingué par sa droiture morale et son intégrité qui lui valurent le surnom d'Al-Amine (le digne de confiance). Comment ce jeune homme de La Mecque a-t-il grandi pour devenir l'homme qui allait recevoir la révélation divine ? Quel était son caractère, ses occupations et sa place dans la société mecquoise avant que l'ange Gabriel ne vienne à lui ? Plongeons dans cette période formatrice de la vie du dernier Messager d'Allah ﷻ, une période souvent négligée mais riche d'enseignements pour comprendre la préparation divine d'un homme destiné à changer le cours de l'histoire.

Naissance et premières années : un début marqué par l'épreuve

La venue au monde de Muhammad ﷺ fut entourée de circonstances particulières. Né en l'an 570 après J.C, année connue comme "l'Année de l'Éléphant" en référence à la tentative d'Abraha d'attaquer la Kaaba, son arrivée coïncidait avec un événement majeur mentionné dans le Coran :

{N'as-tu pas vu comment ton Seigneur a agi envers les gens de l'Éléphant ? N'a-t-Il pas rendu leur ruse complètement vaine ? Et envoyé sur eux des oiseaux par volées qui leur lançaient des pierres d'argile ? Et Il les a rendus semblables à de la paille mâchée.} Sourate Al-Fil - Versets 1-5

Muhammad ﷺ naquit orphelin de père, Abdullah ibn Abd al-Muttalib étant décédé environ deux mois avant sa naissance lors d'un voyage commercial à Yathrib (future Médine). Cette première épreuve marquait le début d'une enfance qui allait être jalonnée de pertes familiales.

Selon la tradition arabe de l'époque, le nouveau-né fut confié à une nourrice bédouine, Halima as-Sa'diyya, qui l'éleva dans le désert pendant plusieurs années. C'est durant cette période que se produisit l'incident du "fendement de la poitrine" (Shaqq as-Sadr), relaté dans un hadith authentique :

"Alors que je jouais avec d'autres enfants, l'ange Gabriel vint à moi, me coucha par terre, ouvrit ma poitrine, en sortit mon cœur, en extrait un caillot noir et dit : 'C'était la part de Satan en toi'. Puis il lava mon cœur dans un récipient en or avec de l'eau de Zamzam, le remit en place et referma ma poitrine." Rapporté par Muslim, n° 162

À l'âge de six ans, Muhammad ﷺ perdit sa mère, Amina bint Wahb, qui mourut lors du retour d'un voyage à Yathrib où elle avait emmené son fils visiter la tombe de son père. L'enfant fut alors recueilli par son grand-père Abd al-Muttalib, qui avait une position respectée parmi les Quraychites en tant que gardien du puits de Zamzam et intendant de la Kaaba.

Ibn Ishaq rapporte que Abd al-Muttalib avait une affection particulière pour son petit-fils et qu'il plaçait souvent un tapis à l'ombre de la Kaaba où lui seul s'asseyait. Ses fils s'asseyaient autour du tapis par respect pour leur père, mais le jeune Muhammad ﷺ venait s'asseoir dessus. Quand ses oncles essayaient de l'en empêcher, Abd al-Muttalib disait :

"Laissez mon fils (en référence à son petit-fils). Par Allah, il a un grand avenir." Rapporté par Ibn Hicham dans la Sira

Sous la tutelle d'Abou Talib : apprentissage de la vie

La providence divine continua de veiller sur Muhammad ﷺ à travers une succession de protecteurs. À l'âge de huit ans, il perdit son grand-père et fut confié à son oncle paternel, Abou Talib, qui devint son tuteur et protecteur malgré ses moyens modestes.

Abou Talib, bien que n'ayant jamais embrassé l'Islam par la suite, eut une affection sincère pour son neveu et le défendit jusqu'à sa mort. Il l'emmena avec lui dans ses voyages commerciaux vers la Syrie, ce qui permit au jeune Muhammad ﷺ d'observer d'autres cultures et religions.

C'est lors d'un de ces voyages, alors que Muhammad ﷺ n'avait que douze ans, qu'eut lieu la rencontre avec le moine chrétien Bahira. Voyant la caravane approcher, Bahira remarqua un nuage qui semblait suivre un jeune garçon, le protégeant du soleil. Reconnaissant ce signe comme celui d'un prophète attendu, il invita toute la caravane à un repas pour observer de plus près le jeune Muhammad ﷺ. Après avoir examiné son dos et y avoir trouvé le "sceau de la prophétie", il avertit Abou Talib de protéger l'enfant des Juifs et des Byzantins qui pourraient le reconnaître et lui nuire.

Ce récit, bien que populaire, n'est pas mentionné dans les recueils de hadiths les plus authentiques, mais illustre comment la tradition islamique a perçu les signes précoces de la destinée prophétique de Muhammad ﷺ.

Un jeune homme intègre dans une société corrompue

Grandissant dans une société mecquoise adonnée à l'idolâtrie, au commerce souvent malhonnête et à des pratiques immorales comme l'infanticide des filles, Muhammad ﷺ se distingua très tôt par son comportement irréprochable. Jamais il ne participa aux cultes idolâtres de son peuple ni ne s'adonna à leurs divertissements immoraux.

"Je n'ai jamais eu l'intention de faire ce que les gens de l'époque préislamique faisaient, sauf à deux reprises où Allah m'en a protégé. Par la suite, je n'ai plus jamais essayé de faire quelque chose de mal." Rapporté par Ibn Hibbân et Al-Hâkim

Durant sa jeunesse, Muhammad ﷺ travailla comme berger pour les Mecquois, une expérience qu'il évoqua plus tard :

"Allah n'a pas envoyé de prophète qui n'ait été berger." Ses compagnons demandèrent : "Et toi aussi, Messager d'Allah ?" Il répondit : "Oui, je gardais les moutons des Mecquois moyennant quelques qirats." Rapporté par Al-Bukhari, n° 2262

Cette période de sa vie lui permit de développer des qualités essentielles pour sa future mission : patience, contemplation, responsabilité et compassion envers les êtres vulnérables.

Al-Amine : le digne de confiance

La qualité morale qui distingua le plus Muhammad ﷺ dans sa jeunesse fut son honnêteté scrupuleuse. Bien avant la révélation, les Mecquois lui donnèrent le surnom de "Al-Amine" (le digne de confiance), témoignage exceptionnel de l'estime qu'ils lui portaient malgré leurs futures oppositions à son message.

Cette réputation était telle que les Mecquois lui confiaient leurs biens précieux quand ils partaient en voyage. Même au plus fort de l'hostilité contre lui après le début de sa mission prophétique, ils continuèrent à lui confier leurs dépôts, sachant qu'il les restituerait fidèlement.

Lors de la reconstruction de la Kaaba, quand Muhammad ﷺ avait environ 35 ans, les clans de La Mecque se disputèrent l'honneur de replacer la Pierre Noire dans le mur. Sur le point de s'affronter, ils décidèrent finalement de s'en remettre au jugement de la première personne qui entrerait dans l'enceinte sacrée. Ce fut Muhammad ﷺ, et tous s'écrièrent : "C'est Al-Amine, nous accepterons son arbitrage."

Sa solution fut d'une sagesse remarquable : il demanda qu'on apporte un manteau, y plaça la Pierre Noire, puis invita un représentant de chaque clan à saisir un bord du manteau pour soulever ensemble la pierre, qu'il plaça ensuite lui-même dans le mur.

Le mariage avec Khadija qu'Allah l'agrée : reconnaissance de ses qualités

C'est cette réputation d'intégrité qui attira l'attention de Khadija bint Khuwaylid qu'Allah l'agrée, une riche commerçante mecquoise veuve et respectée. Elle proposa à Muhammad ﷺ, alors âgé de 25 ans, de gérer ses caravanes commerciales vers la Syrie. Impressionnée par son honnêteté et son efficacité, rapportées par son serviteur Maysara qui accompagnait Muhammad ﷺ, elle lui envoya une proposition de mariage.

Khadija qu'Allah l'agrée avait alors 40 ans et avait refusé de nombreuses demandes en mariage de notables mecquois. Son serviteur Maysara lui avait rapporté des signes inhabituels observés lors du voyage, comme les nuages qui semblaient suivre et protéger Muhammad ﷺ du soleil ardent.

Leur mariage fut harmonieux et fidèle. Muhammad ﷺ resta monogame pendant les 25 années de leur union jusqu'au décès de Khadija qu'Allah l'agrée. Elle lui donna plusieurs enfants, dont Fatima qu'Allah l'agrée fut la seule à lui survivre. Ce mariage apporta à Muhammad ﷺ non seulement une stabilité financière mais aussi un soutien émotionnel constant.

Aïcha qu'Allah l'agrée rapporta plus tard sa jalousie envers Khadija qu'Allah l'agrée, bien qu'elle ne l'ait jamais connue, car le Prophète ﷺ l'évoquait souvent avec amour et reconnaissance :

"Je n'ai jamais été jalouse d'aucune femme du Prophète autant que je l'ai été de Khadija, bien que je ne l'aie jamais vue. Mais il la mentionnait souvent, et quand il égorgeait un mouton, il découpait des morceaux de viande qu'il envoyait aux amies de Khadija. Je lui disais parfois : 'On dirait qu'il n'y a jamais eu d'autre femme au monde que Khadija.' Il répondait alors : 'Elle était ceci et cela, et j'ai eu des enfants d'elle.'" Rapporté par Al-Bukhari, n° 3818

La recherche spirituelle et les signes précurseurs

Dans les années précédant la révélation, Muhammad ﷺ commença à ressentir un malaise face à l'idolâtrie et l'injustice de sa société. Il se retirait régulièrement dans la grotte de Hira sur le mont de la Lumière (Jabal an-Nour) pour méditer.

Aïcha qu'Allah l'agrée rapporte :

"La première forme de révélation que reçut le Messager d'Allah ﷺ fut la vision véridique pendant le sommeil. Chaque fois qu'il avait une vision, elle se réalisait clairement comme l'aube. Puis, la solitude lui devint chère. Il se retirait dans la grotte de Hira où il s'adonnait à la dévotion pendant plusieurs nuits avant de revenir vers sa famille." Rapporté par Al-Bukhari, n° 3

Cette période de retraite spirituelle dura plusieurs années. Muhammad ﷺ emportait des provisions et restait dans la grotte plusieurs jours d'affilée, se livrant à ce que la tradition islamique appelle "tahannuth" - une forme de dévotion et de méditation.

Autre signe précurseur rapporté dans les hadiths authentiques : les pierres et les arbres saluaient Muhammad ﷺ. Selon un hadith :

"Je connais une pierre à La Mecque qui me saluait avant ma mission prophétique. Je la reconnais encore maintenant." Rapporté par Muslim, n° 2277

Ces salutations par des éléments inanimés étaient des signes divins préparant Muhammad ﷺ à sa mission. Ces phénomènes extraordinaires s'intensifièrent jusqu'à l'âge de 40 ans, où l'ange Gabriel lui apparut pour la première fois dans la grotte de Hira avec la révélation qui allait changer le cours de l'histoire.

L'appel à la prophétie : l'aboutissement d'une préparation divine

Cette longue période de jeunesse et de maturité avant la révélation n'était pas un simple prélude mais une préparation méticuleuse par Allah ﷻ. Le Coran évoque cette préparation divine :

{N'avons-Nous pas ouvert pour toi ta poitrine ? Et ne t'avons-Nous pas déchargé du fardeau qui accablait ton dos ? Et exalté pour toi ta renommée ? À côté de la difficulté est, certes, une facilité.} Sourate Ash-Sharh - Versets 1-5

À l'âge de 40 ans, considéré comme l'âge de la maturité complète, Muhammad ﷺ reçut la première révélation. C'est Aïcha qu'Allah l'agrée qui rapporte cet événement décisif en détail :

"La révélation commença pour le Messager d'Allah ﷺ par des visions véridiques pendant le sommeil. Puis la solitude lui devint chère... Jusqu'à ce que la Vérité lui vînt alors qu'il était dans la grotte de Hira. L'ange vint à lui et lui dit : 'Lis !' – 'Je ne sais pas lire', répondit-il. 'L'ange me saisit, raconta le Prophète ﷺ, et me serra jusqu'à ce que j'en fusse tout essoufflé, puis il me relâcha et dit : 'Lis !' Je répondis : 'Je ne sais pas lire.' Il me saisit encore et me serra une deuxième fois jusqu'à épuisement, puis me relâcha et dit : 'Lis !' Je répondis : 'Je ne sais pas lire.' Il me saisit et me serra une troisième fois, puis me relâcha et dit : 'Lis, au nom de ton Seigneur qui a créé, qui a créé l'homme d'une adhérence. Lis ! Ton Seigneur est le Très Généreux.'" Rapporté par Al-Bukhari, n° 3

Ainsi commença la mission prophétique de Muhammad ﷺ, après une longue période de préparation où ses qualités morales, son intégrité et sa recherche spirituelle avaient fait de lui le réceptacle idéal pour le message divin.



💾 Ce qu’il faut retenir

  1. L'épreuve de l'orphelinat : Muhammad ﷺ perdit son père avant sa naissance, sa mère à six ans et son grand-père à huit ans, une série d'épreuves qui développa en lui une sensibilité particulière envers les vulnérables.

  2. L'éducation du désert : Son séjour chez sa nourrice bédouine lui offrit un environnement sain, loin des influences idolâtres de La Mecque, et lui fit acquérir l'éloquence arabe pure.

  3. La protection divine : Tout au long de sa jeunesse, Muhammad ﷺ bénéficia d'une protection divine manifeste, notamment à travers la tutelle d'Abou Talib.

  4. L'intégrité morale exceptionnelle : Surnommé "Al-Amine" (le digne de confiance) par les Mecquois, il se distingua par une honnêteté et une droiture qui lui valurent le respect de tous.

  5. L'expérience professionnelle : Son travail de berger puis de commerçant lui permit d'acquérir des compétences de leadership et une connaissance profonde de la nature humaine.

  6. Le mariage avec Khadija qu'Allah l'agrée : Cette union avec une femme d'expérience lui apporta stabilité, soutien et réconfort, essentiels pour sa future mission.

  7. La méditation et la recherche spirituelle : Ses retraites à Hira révélaient sa quête spirituelle et son rejet naturel de l'idolâtrie ambiante.

  8. Les signes précurseurs : Des phénomènes extraordinaires jalonnèrent sa vie avant la prophétie, comme la salutation des pierres et des arbres.

  9. La préservation des vices : Malgré l'environnement corrompu de La Mecque préislamique, Muhammad ﷺ resta préservé des vices de son époque.

  10. La préparation progressive : Toute cette période représentait une préparation divine méticuleuse pour façonner le caractère du futur Messager d'Allah ﷻ.

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